mercredi 28 mai 2008

L'ENFANT ASSASSIN DES MOUCHES
Jean Claude Vannier

ATTENTION COLLECTOR !





















Oeuvre à la fois ambitieuse et kaléidoscopique, L'enfant assassin des mouches du compositeur français Jean-Claude Vannier est un joyau oublié de la «pop» psychédélique du début des années 70 sur laquelle l'homme derrière les arrangements du mythique Histoire de Melody Nelson, de Serge Gainsbourg, s'amuse à superposer les genres dans une optique symphonique et post-moderne parfaitement maîtrisée. Habitant l'étrange jonction entre académisme déluré, jazz déphasé et pop hallucinée, L'enfant assassin des mouches proposait dans un contexte où le métissage était une constante une définition nouvelle du terme «fusion» qui implique iconoclasme et éclectisme. Brouillant la frontière entre bouillabaisse populaire et composition de haut niveau, cet essai unique tend à rendre caduque la distinction entre culture de masse et culture savante. Son inventivité s'exprime dans les deux vocabulaires à la fois, Vannier maximisant l'impact de ses compositions en faisant appelle à deux intelligences qui ont tendance à s'affronter.

Dans cette optique, le fait que L'enfant, la mouche et les allumettes débute sous forme de pièce concrète très moderne pour ensuite dresser en contrepoints jouissifs un funk-rock de blaxploitation bien suintant et une section de cuivre dissonante appuyée par des percussions rappelant vaguement Ionisation d'Edgar Varèse. La tête propulsée sur Mars en moins de cinq minutes, l'auditeur est par la suite capable de suivre L'enfant au royaume des mouches. Ici, un rock psychédélique d'inspiration progressive s'élève, épique et menaçant, pour évoquer l'émerveillement et l'inquiétude face à un paysage étranger où les proportions conventionnelles n'ont plus droit de citer. Face à l'immensité de ces univers où la rationalité s'est éclipsée, le voyageur se sent tour à tour ébloui et écrasé; L'enfant assassin des mouches est un infini où l'absurde et la folie ne font plus qu'un.

Bien entendu, l'origine de cet album est autrement plus modeste que les métaphores ahuries que l'on est en mesure de pondre dans l'espoir de le décrire adéquatement. Le compositeur autodidacte aura tout de même fondé un orchestre de plus d'une vingtaine de musiciens, Insolitudes, afin d'enregistrer les onze pièces qui constituent L'enfant assassin des mouches; la légende veut que Vannier ait par la suite présenté l'album à son ami Gainsbourg qui, en l'espace d'une soirée, se serait pour sa part chargé de pondre l'histoire surréaliste l'accompagnant. L'univers naïf et sous-terrain qu'évoque son texte est à l'image de la musique, à la fois drôle et sinistre.

À la fois avant-gardiste et vétuste, L'enfant assassin des mouches anticipe par le vibrant collage stylistique qu'il propose certaines des expériences de John Zorn tout en demeurant immanquablement ancré aux repères sonores propres à son époque. Cette opposition entre charme rétro et démarche contemporaine fait de l'oeuvre de Jean-Claude Vannier une fascinante dichotomie; les uns l'écouteront pour sa démesure kitsch tout à fait assumée tandis que les autres y reviendront pour son approche visionnaire à la composition et son incroyable impact évocateur. Quoiqu'il en soit, on bénira l'étiquette Finders Keepers qui a cru bon de dépoussiérer ce petit trésor aussi bizarre qu'il est enrichissant.
Les instrumentaux de L’enfant assassin des mouches ont été composés dans la foulée de Melody Nelson et cela s’entend souvent. L’enlevé et symphonique Danse des mouches noires gardes du roi en rappelle les climats amples et puissants. L’enfant au royaume des mouches et ses chœurs immenses sur grooves monstres en prolonge le souffle (au passage on comprend où Burgalat a pu parfois puiser son inspiration). La plupart des morceaux sont éblouissants, inventifs et si La mort du roi des mouches et son climat oppressant justifie a lui seul la référence récurrente à David Axelrod, Jean-Claude Vannier va plus loin, est flamboyant. L’excès est la règle.

L’enfant assassin des mouches n’a cependant rien à voir avec un concept album. Quand Jean Claude Vannier passe chez Gainsbourg, un après-midi d’avril 72, pour lui faire écouter les instrumentaux qu’il a enregistrés au Studio des Dames, le mot mouche n’apparaît sur aucune des bandes. C’est un ensemble hétérogène d’instrumentaux, avec des saynètes bruitistes, des ruptures de ton, comme cette incursion dans le burlesque de la Danse de l’enfant et du roi des mouches, qui m’évoque certains thèmes de François de Roubaix.

C’est Gainsbourg, impressionné par ce qu’il entend, qui lui dit : « laisse moi passer la nuit dessus ». C’est ainsi que de la musique de Jean-Claude Vannier naît ce petit conte cruel et tordu d’un enfant assassin des mouches qui finit collé sur un papier tue-enfant (quelle horreur). La contribution de Gainsbourg peut paraître minime ; elle donne à cette suite d’instrumentaux brillants une cohérence qui la transforme en un projet fou à la liberté totale. Un disque où Marcel Azzola peut faire entendre un accordéon aussi inquiétant que sur Le papier tue-l’enfant est un disque rare. Et ça, il n’y a pas que les anglo-saxons qui l’ont compris.

Avec la Danse de l'enfant et du roi des mouches, le taux d'oxygène grimpe bien au-delà des pourcentages normaux: nous voici soudainement les prisonniers euphoriques d'un supermarché démesuré où tout n'est que chrome lustré et rétro-futurisme exubérant. Les Peaches en Regalia de Frank Zappa copulent sur la place publique avec une débile caricature de Muzak gonflée à l'hélium. Quelques minutes plus tard, Le roi des mouches et la confiture de rose combine des envolées orchestrales parfaitement lyriques à des effluves orientales d'un exotisme consommé. Le tout n'est pas sans rappeler les arrangements luxuriants de l'ambitieux Sea Change de Beck, paru en 2002, du moins jusqu'à ce qu'une symphonie de réveils-matin et de scies ne nous arrache à nos rêveries pittoresques pour nous placer sans crier gare dans un cauchemar de musique concrète où s'unissent les textures métalliques de toutes sortes.

Lorsque finalement Les gardes volent au secours du roi sur la septième pièce de son opus, Jean-Claude Vannier semble avoir trouvé le point de rencontre idéal entre les musiques d'Ennio Morriconne pour le royaume du western spaghetti et le cosmos psychédélique qu'explorait les yeux ébahis la trame sonore de La planète sauvage de René Laloux, composée par Alain Goraguer et par la suite échantillonnée par l'éminent Madlib sur son classique The Unseen. «La lune est mauve», affirme la voix désincarnée et autoritaire d'un enfant s'apprêtant à mettre à mort le roi des mouches; ses fidèles serviteurs emploieront Le papier tue-enfant pour venger la mort de leur maître, alors qu'une sinistre musique de carnaval juxtapose les plus chatoyantes couleurs à une morbide spirale mélodique. (source web)


01- L'enfant la mouche et les allumettes
02- L'enfant au royaume des mouches
03- Danse des mouches noires gardes du roi
04- Danse de l'enfant et du roi des mouches
05- Le roi des mouches et la confiture de rose
06- L'enfant assassin des mouches
07- Les gardes volent au secours du roi
08- Mort du roi des mouches
09- Pattes de mouches
10- Le papier tue-enfant
11- Petite agonie de l'enfant assassin

( Bonus : Le point d'interrogation )

12- Je m'appelle Geraldine [Mid-Tempo Version]
13- Je m'appelle Geraldine [Up-Tempo Version]

Enjoy
(36 mégas)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

je suis curieuse de lire le texte de Gainsbourg....

Ricky Freshhh a dit…

Il n'est que trop rare de voir nos concitoyens français se pencher réellement sur de tel trésor de notre musique, merci à vous.

BadAssRadio Blog a dit…

Merci Ricky,

Je te glisse le lien de la BadAssRadio :
http://www.badassradio.net/

Une sorte de gros jukebox pour oreilles curieuses,
avec de nombreux extraits sonores de films.

voici les codes :

ass

bad

Bonne écoute sur la BadAssRadio, et bonne pêche aux trésors sur ce blog.

Bien à toi.

Sébastien.

Anonyme a dit…

Pour les nostalgiques,... et les autres, ce disque est disponible à la vente sur le site boutique de www.traficom-musik.com